Dieu des commencements et des fins, des choix et du passage
Je cours derrière ma vie, derrière l’illusion qu’il existe un sens à notre existence, un sens qui nous a été donné et qu’il faut conquérir. J’incarne la tension entre le faire et le vouloir être, entre le présent et l’avenir. Noyé dans l’effervescence de mes choix scabreux, je dois plonger encore pour ravir à la mort un instant de paix avant qu’elle ne vienne me raidir.
La paix sans conflit ne saurait s’accomplir. La paix pour le reste ne se fait jamais seule. La paix contient la guerre, comme la roche contient le fer. La paix n’est pas un état de grâce, il ne tient qu’à l’homme qu’il la fasse.
Janus dieu des choix, guide du temps. Chercher, essayer, échouer, apprendre, comprendre, réussir, trouver, détruire, chercher... c’est un cycle. La paix est une route qu’il faut paver, pour soi et pour les autres.
Nos choix sont conventionnés. Les chaînes attachent comme elles unissent. Nous sommes responsables de nos conventions face au temps et au monde.
Être en paix c’est avoir le courage de se regarder en face. Faire la paix c’est avoir la bienveillance de travailler les uns pour les autres.
Cette série est une tentative de définition positive de la paix, C’est-à-dire dans ce qu’elle a de propre et non pas dans son opposition à ce qu’elle n’est pas.
Ainsi, j’utilise la figure de Janus, dieu romain de la transition et traditionnellement médiateur de la guerre vers la paix, pour parler du cheminement qu’il est nécessaire d’accomplir pour prétendre à cette dernière. Qu’il s’agisse de paix individuelle ou sociale, elle est un processus. En d’autres termes, il ne s’agit pas de l’absence de conflit, mais d’un état de bienveillance mutuelle où la violence est bannie et où la parole vient se substituer aux actes.
Tous pétris de désirs, de pulsions parfois presque schizophrènes, nous n’avons d’autre choix que de vivre avec nous mêmes. Ces portraits sont ainsi une invitation au questionnement sur nos désirs superficiels, et nos volontés profondes. Qui sommes-nous ? Qui voulons-nous être ? Et comment construire la paix en nous et avec les autres ?
Les trois natures mortes représentent le temps (le sablier), les choix (la balance), et les valeurs (système morale de référence, la sphère et les chaines ). Nous sommes contraints dans le temps à faire des choix par rapport à un système de valeurs. Ce processus peut nous conduire à la paix, selon le système de valeurs que nous choisissons. De même, il peut nous conduire au conflit. C’est en cela que nous sommes responsable de notre système de valeurs.
Faire les choix justes est alors critique ! Mais quel est ce choix ? Existe-t-il réellement ? A mes yeux le seul choix possible est celui qui ne laisse pas part au regret, celui-là même qui fera de notre âme plus légère qu’une plume !
Dans ce travail la symétrie joue un rôle crucial, puisqu’il amène visuellement l’idée de balance et d’équilibre entre deux parties d’une même chose. De même la simplicité des images contraste avec la complexité des émotions qu’elles évoquent dans notre difficulté à concilier nos envies divergentes. Cela permet ainsi de faire de la place pour la paix. L’équilibre des parties et la sérénité lors des conflits sont des conditions nécessaires au processus pacifique. En d’autres termes la paix réside dans quelques chose qui n’est pas tangible, elle n’est pas exprimée en termes figuratifs ou allégoriques mais comme un ingrédient fondamental intrinsèque au travail photographique.
Par ailleurs, les visages lissés des personnages, tendent à rappeler des sculptures, tels que des bas reliefs romains ou égyptiens. En cela mon but est de dépersonnaliser les modèles, afin que l’on ne puisse lire que leurs émotions. Pas de caractères trop individuels puisqu’ils viennent perturber la lecture du visage. En effet, il ne s’agit pas d’un tel ou d’un autre mais de nous, nous tous ! La chaîne qui les lie au cou n’est là que pour rappeler notre condition humaine,
enchainés à nos besoins et nos envies. De même, le nombre de double-visages s’élève à sept, chiffre symbolique dans la chrétienté des sept pêchés capitaux et des sept vertus - les deux opposés axiologiques du bien et du mal.
Dans une perspective plus actuelle, ce que je cherche à véhiculer via ce travail est l’idée que nous sommes responsables non pas du déroulement de notre vie, mais du monde dans lequel nous vivons. Nous ne pouvons changer les choses qui nous affectent qu’en changeant notre mode de penser et notre mode d’agir. En revanche, nous n’avons pas le pouvoir de déterminer le déroulement de notre vie, et il faut apprendre à se détacher de cette volonté de contrôle, pour trouver une terrain d’entente avec nous mêmes. Nous ne pouvons toutefois excuser notre lâcheté face à l’injustice qui ronge les humains de tout horizon. Là, réside notre devoir d’agir et toute l’ambiguïté de l’idée de paix.
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